Lire La
Peste, de Camus et avoir le sentiment qu'on y parle
De l'infertilité...
De ce parcours dont on ne connaît ni la durée, ni même l'issue...
"En
particulier, tous nos concitoyens se privèrent très vite, même en
public, de l'habitude qu'ils avaient pu prendre de supputer la durée
de leur séparation. Pourquoi ? C'est que lorsque les plus
pessimistes l'avaient fixée par exemple à six mois, lorsqu'ils
avaient épuisé d'avance toute l'amertume de ces mois à venir,
hissé grand-peine leur courage au niveau de cette épreuve, tendu
leurs dernières forces pour demeurer sans faiblir à la hauteur de
cette souffrance étirée sur une si longue suite de jours, alors,
parfois, un ami de rencontre, un avis donné par un journal, un
soupçon fugitif ou une brusque clairvoyance, leur donnait l'idée
qu'après tout, il n'y avait pas de raison pour que la maladie ne
durât pas plus de six mois, et peut-être un an, ou plus encore. A
ce moment, l'effondrement de leur courage, de leur volonté et de
leur patience était si brusque qu'il leur semblait qu'ils ne
pourraient plus jamais remonter de ce trou. Ils s'astreignaient pas
conséquent à ne penser jamais au terme de leur délivrance, à ne
plus se tourner vers l'avenir et à toujours garder, pour ainsi dire,
les yeux baissés. Mais naturellement, cette prudence, cette façon
de ruser avec la douleur, de fermer leur garde pour refuser le combat
étaient mal récompensées. "
De ce parcours dont il est si difficile de parler...
« Dans
ces extrémités de la solitude,enfin, personne ne pouvait espérer
l'aide du voisin, et chacun restait seul avec sa préoccupation. Si
l'un d'entre nous par hasard essayait de se confier ou de dire
quelque chose de son sentiment, la réponse qu'il recevait, quelle
qu'elle fût, le blessait la plupart du temps. Il s'apercevait que
son interlocuteur et lui ne parlaient pas de la même chose. Lui en
effet, s'exprimait du fond de longues journées de rumination et de
souffrances, et l'image qu'il voulait communiquer avait cuit
longtemps au feu de l'attente et de la passion.L 'autre, au contraire
imaginait une émotion conventionnelle, la douleur qu'on vend sur les
marchés, une mélancolie de série. Bienveillante ou hostile, la
réponse tombait toujours à faux, il fallait y renoncer. Ou du
moins, pour ceux à qui le silence était insupportable, et puisque
les autres ne pouvaient trouver le vrai langage du cœur, ils se
résignaient à adopter la langue des marchés et à parler, eux
aussi, sur le mode conventionnel, celui de la simple relation et du
fait divers, de la chronique quotidienne en quelque sorte. Là
encore, les douleurs les plus vraies prirent l'habitude de se
traduire dans les formules banales de la conversation. C'est à ce
prix seulement que les prisonniers de la peste pouvaient obtenir la
compassion de leur concierge ou l'intérêt de leurs auditeurs. »
Tellement vrai, surtout la deuxième citation je trouve.
RépondreSupprimerPar contre, si j'ai eu le courage de lire ces 2 paragraphes, je n'aurais jamais celui de lire La Peste en entier, et pourtant j'ai fais des études de lettres...
Chapeau!
Sinon comment ça va? Y'a longtemps qu'on t'as pas vu par ici. <3
Hé bé...
RépondreSupprimerMerci pour cette "re"lecture.
Je suis une "fan" de Camus. Je te conseille vivement "La Chute".
J'espère que tu vas bien Octobre.
C'est bien vrai. On réinterprète les textes grâce à ses propres vécus, et ceux là font forcément écho... J'espère que tu donneras de tes nouvelles bientôt, des bises.
RépondreSupprimerJe crois qu'on finit par voir la PMA et cette infertilité qui nous hante partout.
RépondreSupprimerBon courage Octobre.
Des bisous et des pensées.